Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/202

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l’hypocrite fut ma dupe en croyant que j’étais la sienne. La grosse récréation qu’il venait de prendre l’avait sans doute fatigué, car il prétexta quelques affaires pour n’être pas obligé de coucher avec moi cette nuit-là, et sortit incontinent après.

À l’égard de ma servante, mon intention n’étant pas de l’associer à mes travaux, au premier sujet de mécontentement qu’elle me donna, je la mis à la porte.

Cependant mon amour-propre ne pouvant digérer l’affront que M. H… m’avait fait, je résolus de m’en venger de la même façon. Je ne tardai pas longtemps. Il avait pris, depuis environ quinze jours, à son service, le fils d’un de ses fermiers. C’était un jeune garçon de dix-huit à dix-neuf ans, d’une physionomie fraîche et appétissante, vigoureux et bien fait. Son maître l’avait créé le messager de nos correspondances. Je m’étais aperçue qu’à travers son respect et sa timide innocence, le tempérament perçait. Ses yeux, naturellement lascifs, enflammés par une passion dont il ignorait le principe, parlaient en sa faveur le plus éloquemment du monde, sans qu’il s’en doutât.

Pour exécuter mon dessein, je le faisais entrer lorsque j’étais encore au lit ou lorsque j’en sortais, lui laissant voir, comme par mégarde, tantôt ma gorge nue, tantôt la tournure de la jambe, quelquefois un peu de ma jambe, en mettant mes jarretières. En un mot, je l’apprivoisais petit à petit par des familiarités.

« Eh bien, mon garçon, lui demandai-je, as-tu une maîtresse ?… est-elle plus jolie que moi ?… Sentirais-tu de l’amour pour une femme qui me ressemblerait ? ». Et ainsi du reste. Le pauvre enfant répondait d’un ton niais et honnête, selon mes désirs.

Quand je crus l’avoir assez bien préparé, un jour qu’il venait, à son ordinaire, je lui dis de fermer la porte en