Aller au contenu

Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LETTRE DEUXIÈME


Madame,


Si j’ai différé la suite de mon histoire, ç’a été simplement pour me permettre de respirer un peu : j’espérais aussi, je l’avoue, qu’au lieu de me presser, vous m’auriez plutôt dispensée de poursuivre une confession au cours de laquelle mon amour-propre a tant de blessures à souffrir.

Je m’imaginais, en vérité, que vous auriez été rassasiée et fatiguée de l’uniformité d’aventures et d’expressions inséparable d’un sujet de cette sorte, dont le fond, dans la nature des choses est éternellement le même : quelle que puisse être, en effet, la variété de formes et de modes dont les situations sont susceptibles, il est impossible d’éviter entièrement la répétition des mêmes images, des mêmes figures, des mêmes expressions. Au dégoût qui en résulte s’ajoute encore cet inconvénient, que les mots de jouissance, ardeur, transport, extase et le reste de ces termes pathétiques si utilisés dans la pratique du plaisir, s’affadissent et perdent beaucoup de leur saveur et de leur énergie par leur emploi fréquent, indispensable dans un récit dont cette pratique forme à elle seule la base tout entière. Je dois, en conséquence, m’en rapporter à votre indulgence, pour le désavantage que j’ai forcément sous ce rapport, et à votre ima-