Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/233

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« Après nous être réconciliés de la sorte, il me conta le mystère de mon désastre. M’ayant trouvée, lorsqu’il ressortait de l’eau, couchée sur le gazon, il crut que je pouvais m’être endormie là, sans quelque dessein prémédité. S’étant donc approché de moi et restant en suspens de ce qu’il devait croire, de cette aventure, il me prit à tout hasard entre ses bras pour me porter sur le lit de joncs qui se trouvait dans le cabinet, dont la porte était entr’ouverte. Là, il essaya, selon qu’il me le protesta, tous les moyens possibles pour me rappeler à moi-même, mais sans le moindre succès. Enfin, enflammé par la vue et l’attouchement de tous mes charmes, il ne put retenir l’ardeur dont il brûlait, et les tentations plus qu’humaines que la solitude et la sécurité ne faisaient qu’accroître l’animant de plus en plus, il me plaça alors selon son gré et disposa de moi à sa fantaisie jusqu’à ce que, tirée de mon assoupissement par la douleur qu’il me causait, je vis moi-même le reste de son triomphe. Mon vainqueur, ayant fini son discours et découvrant dans mes yeux les symptômes de la réconciliation la plus sincère, me pressa tendrement contre sa poitrine en me donnant les consolations les plus flatteuses et l’espérance des plaisirs les plus sensibles. Pendant ce temps, mes yeux ne manquaient pas d’entrevoir l’instrument du forfait, et son possesseur employa tant de précautions tendres, il procéda d’une façon si séduisante que, succombant, les feux du désir se ranimèrent dans mon cœur ; une seconde fois, je goûtai pleinement les délices de cet instant fortuné. « Quoique, selon notre accord, je doive ici mettre fin à mon discours, je ne puis cependant m’empêcher d’ajouter que je jouis encore quelque temps des transports de mon amant, jusqu’à ce que des raisons de famille l’éloignèrent de moi et que je me vis obligée de me jeter dans la vie publique. J’ai donc fini. »