Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/268

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sur ces masses de chair frissonnante, mais bientôt il me fustigea si durement que le sang perla en plus d’un endroit. À cette vue, se précipitant sur moi, il baisa les plaies saignantes, en les suçant, ce qui soulagea un peu ma douleur. Il me fit poser ensuite sur mes genoux, de façon à montrer cette tendre partie, région du plaisir et de la souffrance, sur laquelle il dirigea ses coups, qui me faisaient faire mille contorsions variées, dont la vue le ravissait.

Toutefois je supportai tout sans crier et ne donnai aucune marque de mécontentement, bien résolue néanmoins à ne plus m’exposer à des caprices aussi étranges.

Vous pouvez bien penser dans quel pitoyable état mes pauvres coussins de chair furent réduits : écorchés, meurtris et sanglants, sans d’ailleurs que je sentisse la moindre idée de plaisir, quoique l’auteur de mes peines me fît mille compliments et mille caresses.

Dès que j’eus repris mes habits, Mme Cole apporta elle-même un souper qui aurait satisfait la sensualité d’un cardinal, sans compter les vins généreux qui l’accompagnèrent. Après nous avoir servis, notre discrète abbesse sortit sans dire un mot ni sans avoir souri, précaution nécessaire pour ne point me remplir d’une confusion qui aurait nui à la bonne chère.

Je me mis à côté de mon boucher, car il me fut impossible de regarder d’un autre œil un homme qui venait de me traiter si rudement, et mangeai quelque temps en silence, fort piquée des sourires qu’il me lançait de temps en temps.

Mais à peine le souper fut-il fini que je me sentis possédée d’une si terrible démangeaison et de titillations si fortes qu’il me fut pour ainsi dire impossible de me contenir ; la douleur des coups de verges s’était changée en un feu qui me dévorait et qui me remuait et me tortillait sur ma