Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’un très singulier accident me fournit quelques mois après. Je vais en parler ici, afin de ne plus revenir sur un si désagréable sujet.

Projetant de rendre une visite à Harriett, qui était allée demeurer à Hampton-Court, j’avais loué un cabriolet, et Mme Cole avait promis de m’accompagner ; mais une affaire urgente l’ayant retenue, je fus obligée de partir seule. J’étais à peine au tiers de ma route que l’essieu se rompit et je fus bien contente de me réfugier, saine et sauve, dans une auberge d’assez belle apparence, sur la route. Là, on me dit que la diligence passerait dans une couple d’heures ; sur quoi, décidée à l’attendre plutôt que de perdre la course que j’avais déjà faite, je me fis conduire dans une chambre très propre et très convenable, au premier étage, dont je pris possession pour le temps que j’avais à rester, avec toute facilité de me faire servir, soit dit pour rendre justice à la maison.

Une fois là, comme je m’amusais à regarder par la fenêtre, un tilbury s’arrêta devant la porte et j’en vis descendre deux jeunes gentlemen, à ce qu’il me parut, qui entrèrent sous couleur de se restaurer et de se rafraîchir un peu, car ils recommandèrent de tenir leur cheval tout prêt pour leur départ. Bientôt, j’entendis ouvrir la porte de la chambre voisine où ils furent introduits et promptement servis ; aussitôt après, j’entendis qu’ils fermaient la porte et la verrouillaient à l’intérieur.

Un esprit de curiosité, fort loin de me venir à l’improviste, car je ne sais s’il me fit jamais défaut, me poussa, sans que j’eusse aucun soupçon ni aucune espèce de but ou dessein particulier, à voir ce qu’ils étaient et à examiner leurs personnes et leur conduite. Nos chambres étaient séparées par une de ces cloisons mobiles qui s’enlèvent à l’occasion pour, de deux pièces, n’en faire qu’une seule