Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/36

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Ces deux endroits renfermaient un certain nombre des plus belles prostituées de cette ville ; elles étaient de différents pays et de différentes religions ; mais elles étaient toutes unies par la même doctrine que l’on appelait la croyance de Paphos ; elle consistait en peu d’articles. Le premier, la plus grande soumission à la mère abbesse, dont les décrets étaient irrévocables et la conduite jugée infaillible ; le second, le zèle le plus sincère pour les rites et les cérémonies de la déesse de Cypris, l’attention la plus stricte à satisfaire leurs admirateurs dans leurs fantaisies, leurs caprices et extravagances, et à prévenir, par leurs soins assidus, leurs souhaits et leurs désirs ; enfin, à éviter les excès de la boisson et de la débauche, afin qu’elles pussent toujours avoir un air de modestie et de décence, même au milieu de leurs amusements. Ces articles et quelques autres formaient leur constitution. Enfin, c’était un crime impardonnable de cacher à la mère abbesse les présents et autres gratifications pécuniaires qu’elles recevaient au delà des prix fixés du sérail, lesquels étaient très modérés. Une nuit de plaisir avec une sultane, un bon souper et autres dépenses se payait un louis d’or, somme qui aurait suffi à défrayer une de nos dames de la perte de son temps, sans compter les rubans et autres ajustements du soir, ni mentionner le souper, le vin de champagne mousseux et autres dépenses de la maison.

« Ces dévotes de Vénus passaient ordinairement leur après-dîner jusqu’au soir dans un grand salon ; quelques-unes pinçaient de la guitare, tandis que d’autres les accompagnaient de la voix ; il y en avait qui brodaient au tambour ou festonnaient ; on leur interdisait l’usage des liqueurs, excepté l’orgeat, le sirop capillaire et autres boissons innocentes, afin que leurs esprits ne fussent point échauffés et qu’elles observassent le plus strict décorum.