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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/116

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DÉMOSTHÈNE

On le vit porter la main à sa bouche[1]. Il s’avança pour se livrer aux soldats et tomba mort.

La simplicité du contraste entre les cauteleuses suggestions du bourreau prêt à violer le droit d’asile et l’absolu dépouillement de toute faiblesse humaine, dans le fier combattant qui accepte sans regret la destinée, met le sceau final à ce drame grandiose d’une vie supérieure aux prises avec le débordement des faiblesses coalisées. Cinquante ans n’étaient pas écoulés que ce même peuple athénien convertissait sa sentence de mort en un décret portant qu’il serait élevé une statue de bronze à Démosthène sur la place publique. C’est la tête de cette statue qui a servi de modèle aux bustes de nos musées.

En vérité, ce serait trop simple si le compte d’une pareille vie se pouvait régler par l’amende honorable de ceux qui livrèrent l’homme au supplice après l’avoir trahi, en punition du crime de s’être héroïquement dévoué à leur propre cause par eux-mêmes désertée. Athènes honorer Démosthène ? Quel étrange renversement des rôles ! N’est-ce pas plutôt Démosthène qui fait honneur à sa patrie, plus d’honneur même qu’elle n’en peut être admise à revendiquer, après s’être

  1. Un stylet fait d’une tige de roseau empoisonnée.