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DÉMOSTHÈNE

pas d’autre rempart que Démosthène, pour résister aux artifices comme aux entreprises militaires de Philippe, « barbare » grécisé d’occasion.

Philippe, qui devait s’achever en son fils Alexandre, — violent réalisateur et idéaliste tout ensemble, — ne s’élèvera pas autrement qu’en d’artificieuses paroles, au-dessus du métier de conquérant. Les peuples n’ont jamais suivi de bon cœur que les chefs qui leur demandent leur sang. Qui prétend au delà se voit appelé à faire ses preuves d’empirisme à court terme dans le vaste champ de bataille, où tous les intérêts, toutes les passions, se donneront carrière en des défigurations d’idéal dont l’occasion ne manquera jamais. Philippe et Alexandre valaient peut-être mieux que leur destinée militaire inachevée, inachevable. En dépit d’un intérêt de flagornerie, il fallait que Philippe eût été vraiment touché de la Grèce pour donner Aristote à son fils comme éducateur. L’obscurité macédonienne, éclairée des lueurs de l’hellénisme décroissant, subissait le charme d’un idéal trop haut pour que le conquérant pût le comprendre, et trop beau pour qu’il pût résister à la tentation de s’en saisir, comme fait l’enfant de la bulle de savon au risque de la faire éclater.

Dans une vue primaire d’agrandissement territorial, Philippe avait conquis l’Illyrie, la Thessalie,