Aller au contenu

Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
DÉMOSTHÈNE

toire ait été laborieuse ou aisée ! Ce n’est pas l’art, ici, qui l’impose à notre admiration. C’est l’offrande sans réserve d’un idéal de volonté. Ainsi comprise, la parole s’élève au rang d’une puissance d’action, et c’est en ce point précis qu’elle blesse des auditeurs plus aisément réunis en un élan de passion momentanée que sur la discipline de contraintes nécessaires au triomphe durable de l’idée. Refréné de rhétorique, Démosthène n’eût pas obtenu davantage. L’élan et la contrainte ne peuvent s’accorder.

Veut-on qu’il subsiste un art de se donner ? Oui, sans doute, si le désintéressement cède la place aux combinaisons du donner pour recevoir, c’est-à-dire aux trafics d’un marché. Que l’homme joue noblement le meilleur, le plus beau de lui-même pour une cause au-dessus de toutes les contingences, et les calculs de l’intérêt s’évanouiront comme vapeur au souffle de l’ouragan. Quand il risque plus que sa vie, le héros mesure ses chances à la lucidité de son énergie dans le vif du combat. L’action. oratoire, en des heures décisives, est d’une catapulte qui abat l’obstacle d’un seul coup. Effet de balistique, non d’artifices calculés. « Allez dire à votre maître… » : à ces seules paroles de Mirabeau, toute une assemblée qui se cherche s’est trouvée. Il est inutile de poursuivre : la barricade est emportée. Et la preuve en est de l’émotion qui dure