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CHAPITRE XIV


LA CIVILISATION


L’homme des premiers mouvements.


J’aurais peut-être fait sagement d’en rester aux hommes primitifs, en laissant au lecteur la tâche de combler le vide depuis l’homme de la Chapelle-aux-Saints jusqu’à l’humanité de nos jours. Résumer de telles annales en quelques pages m’apparaît, en effet, comme une œuvre au-dessus de mes moyens. Déterminer sommairement les directions générales d’une vie si diverse, bien que si homogène en ses développements généraux, ne peut tenter que l’audace d’un ignorant. Que faire ? Je me suis efforcé de pénétrer jusqu’aux racines de l’aventure humaine. Les floraisons ne sont pas nécessairement de mon sujet. Cependant, si l’évolution peut conduire l’ancêtre anthropoïde qui vivait dans les arbres, jusqu’aux manifestations intellectuelles de notre temps, ne puis-je pas prendre acte sommairement des résultats acquis et m’essayer même à reconnaître quelques orientations d’avenir ?

Tout aspect d’un développement de conscience, de connaissance, d’élan idéaliste sur un fond d’égoïsme impitoyable, nous procure une satisfaction de nous-mêmes où nos naturelles faiblesses ne laissent même pas de place aux atténuations d’un regret, d’un remords. De lumière et d’ombre, le monde, et l’homme, qui l’exprime à sa mesure, sont inévitablement composés. Pour en venir de l’humain primitif à l’homme « civilisé » de nos jours, il a fallu des temps incalculables, employés aux accomplissements d’une évolution qui n’est pas moins « mira-