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LES DIEUX, LES LOIS

raîtraient en même temps, sans que leur constance elle-même en pût être altérée. La somme d’objectivité contenue dans nos déterminations de rapports représente un moment des choses que nous aurons eu, par la voie des sensations, la fortune d’enregistrer. Nos « Lois » n’offrent rien au delà, mais sur ce qu’elles représentent, nous pouvons fonder nos interprétations du présent, aussi bien que du passé même et de l’avenir par approximation. En peut-on dire autant des Dieux usés, dont les dogmes vont s’effritant à toute heure d’une expérience implacablement répétée. Dans le crépuscule des rêves s’ensevelissent les personnages divins. Ils ont vécu de notre vie passagère. Ils auront été des premiers sursauts de l’humanité pensante, mais ils devaient mourir, du jour où ils sont nés. En revanche, les lois cosmiques expressions humaines des mouvements de rapports, ne pourront que se révéler suivant le progrès de nos connaissances et, par conséquent, s’ajuster de mieux en mieux aux développements de notre devenir. Les dieux meurent, quoique l’homme les ait dit immuables, parce qu’ils sont de notre propres transformations. Connues ou inconnues, les lois du monde, sont de constance, au contraire, parce que les relativités de notre connaissance les adaptent sans cesse aux formes nouvelles de nos observations.

M. Boutroux s’est amusé à poser la question de savoir si les lois évoluent, et M. Henri Poincaré s’est amusé à lui répondre gravement. Il ne semble pas que le sujet soit susceptible d’un débat. Nos « lois » expriment des moments de connaissance relative, dont les évolutions vont se succédant. Leurs formules humaines ne peuvent que suivre les mouvements élémentaires de notre propre évolution. Se demander si les lois d’aujourd’hui sont les mêmes qu’à l’époque carbonifère n’a donc pas de sens puisque « la loi » n’a pas d’existence particulière et se réduit à un acte momentané d’enregistrement humain. Nous observons des constances de rapports. Nous essayons de dire ce qu’elles sont. Quant à ce qu’elles ont été et ce qu’elles seront, je ne vois d’autres réponse que d’un point d’interrogation. Tout ce qui nous est permis de dire, c’est que les déductions des études géologiques supposent que les « Lois » étaient alors, d’une façon plus ou moins déterminée, ce qu’elles sont aujourd’hui. Nos connaissances de la constitution des astres postulent que nous