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AU SOIR DE LA PENSÉE

rielles sont des états de réaction psychique qui ne se peuvent réaliser que par des signes vocaux provoquant et caractérisant tous mouvements de pensées. C’est le passage du psychisme animal à la mentalité humaine. Des articulations de pensées issues d’articulations de sonorités. « Le besoin fait l’organe ». Ce qui signifie apparemment que le consensus d’efforts, réaction naturelle du besoin à satisfaire, ne s’arrête, dans les développements de l’organisme, qu’au besoin satisfait.

Des besoins d’expression manifestés par le geste, sont issues des émissions vocales pour des précisions où la diversité des espèces accentue d’un trait de force ou estompe de douceur le retentissement des sensations. C’est cet héritage d’activités musculaires, pour des expressions d’émotivités différentes, que nos lointains ancêtres et leur descendance ont recueilli, accru, développé au point où nous le voyons aujourd’hui.

Pour mieux isoler l’homme de son ancêtre animal que l’observation commandait d’en rapprocher, le métaphysicien dut isoler l’âme des manifestations mentales de l’animalité. Descartes s’aventure à machiner la bête. Il suffit à notre métaphysique de la pourvoir d’une sous-âme dénommée instinct. Rien de plus qu’un mot à fabriquer. Nos gens n’en sont pas chiches. Toute leur « science » est de mots sans correspondance d’objectivité.

Le premier qui eut vraiment droit au titre d’homme fut un superpithécanthrope essayant de parler. Je le note en son temps, parce que mon sujet est de l’empirisme fabricateur du langage qui suscita et développa la puissance de penser. Ce que peut donner « la pensée » sans paroles, nous l’observons manifestement dans la bête dont les yeux disent assez que sentiments et volontés cherchent leur expression à travers des interruptions d’enchaînements.

Tout animal a ses cris d’appel, d’amour, de colère, de douleur ou de joie. L’oiseau se répand dans ses mélodies. On peut très bien se demander si les premières paroles humaines ne furent pas tout près d’un chant. L’oiseau moqueur a des assouplissements de modulations où il paraît se complaire, en vue d’une recherche d’imitation qui lui cause un plaisir supérieur aux émissions de ses propres sonorités. À l’autre bout de la série évoluée, nos exclamations, nos onomatopées, nos jurements