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LES SYMBOLES

de mentalité devant les mêmes problèmes commandant d’identiques mouvements de pensées, les mêmes idéogrammes vont se retrouver sur tous les continents de la terre, exprimant d’identiques activités de sensations, de représentations, d’interprétations de l’univers. Je recommande à qui veut s’en convaincre la lecture du remarquable ouvrage de M. Goblet d’Alviella sur la Migration des symboles.

La rencontre des choses.

Aux rochers des âges quaternaires, se sont fixés les plus anciens sursauts de l’humanité pensante. Si bien qu’une attentive étude des symboles religieux jusqu’à nos jours nous permet de reconstituer, en partie, les croyances spontanées des premiers âges, et, par là, de remonter des développements à la source originelle où se dérobent nos premières improvisations.

Les hommes ont adoré d’instinct tout ce qui se présentait à leur usage. Le bâton ramassé au hasard[1], divinisé bientôt comme instrument de puissance ; la massue[2], la pierre-outil ; l’arbre protecteur ou nourricier ; l’arbre de vie au suc régénérateur, l’arbre de la connaissance d’où vient l’inspiration des rêves, avec ou contre le gré du serpent à qui, dans les profondeurs de son trou, furent révélés les secrets de la terre ; la fontaine qui jaillit ; le rocher qui s’impose par l’immobilité d’un geste inquiétant ; les animaux contre lesquels il faut se défendre d’autant plus hardiment que la chair est le prix du combat, y compris celle de l’homme, précieux comestible en des menus dont le souvenir s’est conservé dans la communion alimentaire, présentement encore égarée jusqu’aux extrémités de la théophagie.

Plus tard, beaucoup plus tard peut-être, en raison de l’accoutumance animale qui ne permettait pas d’abord l’étonnement[3],

  1. Devenu le sceptre des rois, et encore directement révéré en Chine aujourd’hui même.
  2. D’où dérive la masse d’armes, ou la masse, symbole de Puissance.
  3. L’attention, concentration des faisceaux de l’effort mental, est d’une