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AU SOIR DE LA PENSÉE

Dans les intailles, le serpent se rencontre communément en cette compagnie. La Syrie nous montre, sous un palmier, deux hommes qui dansent en cueillant un fruit. L’Inde s’est empressée au culte de l’arbre, et le bouddhisme l’a puissamment entretenu. Nous en reparlerons. L’adoration des arbres, entourée de bétyles, peints en rouge, est un commun spectacle dans tous les villages de l’Inde. À noter l’arbre sous lequel le Bouddha vint au monde, aussitôt que sa mère Maya (L’illusion} eut saisi la branche fortunée. À retenir enfin l’arbre (Djambu) dont l’ombre demeurait immobile au-dessus du futur Bouddha[1], tandis que le soleil, dans sa course, déplaçait tous autres ombrages. Enfin, l’arbre, à jamais fameux, de la Bodhi (Connaissance) sous lequel Siddharta reçut l’illumination.

Eusèbe dit que les Phéniciens adoraient les plantes dont ils se nourrissaient. Il n’avait pas prévu sa propre croix symbolique sursymbolisée, à son tour, en un arbre de vie universelle[2]. La Perse nous apporte la tradition du Haoma (Soma de l’Inde), liqueur alcoolique venant de l’asclepias acida et servant, avec le beurre clarifié, à alimenter, à perpétuer le feu de l’autel par le suc de l’arbre de vie qui confère l’immortalité. Avant que la ville de Babylone eût reçu ce nom, elle s’appelait « Le lieu de l’arbre de la vie ». La vigne, dans le langage de l’Assyrien, se dénommait l’arbre de la vie. Le nom en est demeuré chez nous sous le vocable d’eau-de-vie.

L’aventure de notre Éden est assez connue. On ne peut se défendre d’en rapprocher une image chaldéenne qui représente l’arbre sacré entre deux personnages : l’un, un Dieu, certainement, orné des cornes emblématiques de la Puissance, qui fait un geste d’interdiction au-dessus du fruit mythique qu’une femme tend la main pour cueillir. Dressé sur la queue, le serpent érige sa tête jusqu’au-dessus du chef féminin, comme pour l’inspirer. Point de scénario plus clairement présenté[3].

  1. À la fête de l’agriculture où le roi, père du prince qui allait devenir ascète, ouvrait lui-même le sillon symbolique, qu’il quitta, à la vue du miracle, pour venir adorer son fils.
  2. La ligne verticale du tronc et l’énergie autoritaire de la branche horizontale, si remarquable dans l’Inde, suggèrent comme une rencontre des deux traits de la croix.
  3. Dans le caducée les deux serpents qui s’affrontent, dont j’ai trouvé dans