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AU SOIR DE LA PENSÉE

nous retrouvons en Chine et au japon. Une tombe égyptienne, de l’âge ptolémaïque, nous présente l’image d’un cercle à quatre rais, accompagné d’un trident, — dérivation du triçula, primitif symbole de la Trinité hindoue : Brahma, Siva, Vichnou. Il y a des présomptions de l’existence d’un temple bouddhiste à Alexandrie.

« Par une sorte de choc en retour, dit M. Goblet d’Alviella, les roues liturgiques, inventées peut-être par les Brahmanes, seraient venues se superposer aux traditions du symbolisme solaire que les Aryens de l’Occident avaient gardé de l’unité indo-européenne. N’est-ce pas ce qui arriva plus tard pour le culte védique de Mithra ? » L’envahissement du christianisme par les rites bouddhistes ne peut plus être contesté, surtout depuis que nous avons l’édit d’Açoka envoyant ses missionnaires — moines, médecins, etc., — en Syrie, en Épire et en Égypte.

D’autre part, enfin, les dernières investigations nous font remonter, une fois de plus, jusqu’à la Chaldée. Un bas-relief du British Museum, relatif à la restauration d’un temple chaldéen du soleil, vers l’an 900 avant notre ère, nous montre, faisant tourner une roue sur l’autel, les adorateurs d’un Dieu qui tient un disque superposé à la barre transversale figurant la terre dans le symbole de Tanit. Il semble bien que la Chaldée soit, avec ou sans l’Égypte, à l’origine de nos plus importantes figurations de la Divinité ? Quoi qu’il en soit, c’est l’étonnante virtuosité métaphysique de l’esprit indien qui a poussé l’idéogramme jusqu’aux extrêmes raffinements du symbolisme interprétatif.

Le Rig-Véda invoque le Dieu qui dirige « parmi les nuages raboteux[1] la roue d’or du soleil ». Ce Dieu, de quelque nom qu’on l’appelle, c’est le soleil lui-même, symbolisé par la roue de son char, « la roue au triple moyeu, que rien n’arrête, sur laquelle reposent tous les êtres ». Clair symbole des mouvements cosmiques que rien n’arrête, en effet. Comment mieux marquer le passage de la conception primitive des caprices divins à la notion de la Loi qui règle l’incoercible enchaînement des phénomènes ? Et pour que la haute signification n’en puisse être méconnue, voici le texte bouddhique du Dharma Chakra qui va nous montrer « la Roue de la loi faite de mille rais, lançant mille rayons, qui,

  1. Souvenir des premières routes de l’Inde, peut-être.