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COSMOGONIES

où sa vie monastique s’était répandue, Hiouen-Thsang se voit refuser par l’empereur le congé d’une pérégrination aux lieux saints. D’héroïque audace, il passe outre, échappe, en une suite d’incroyables aventures, aux poursuites des agents civils et militaires qui ont l’ordre de l’assassiner. Le grand Chinois s’installe enfin au cœur des terres bouddhistes où les innombrables légendes de Çakya-Mouni ont laissé partout des traces d’une variable authenticité. Il s’abandonne, sans frein, à sa dévorante ardeur d’approcher la pensée du Maître, et couronne son entreprise d’un succès au delà de toute espérance. Il revient chargé de précieux butin[1], de livres à traduire et de tous témoignages d’informations appropriées. Le souvenir de l’accueil triomphal offert au glorieux mendiant par l’empereur Tai-Toung, également chargé de vertus et de crimes, et par l’unanimité de ses compatriotes émerveillés de tels accomplissements, vit encore aujourd’hui dans les mémoires chinoises.

Fa-Hsien ne nous a pas dit s’il avait, à son retour, trouvé trace de sa femme et de son enfant. Je crains fort que la question ne lui parût pas d’importance. Nous le voyons simplement se donner à la rédaction de ses commentaires. Hiouen-Thsang, d’autre part, tant fêté, voit l’empereur lui pardonner sa désobéissance, lui offrir successivement le poste de général en chef, puis de premier ministre, qu’il refuse d’un geste de modestie, pour n’accepter qu’une modeste cabane de village où il va se livrer, dans la solitude, aux labeurs de ses traductions. Plus expansif que Fa-Hsien, il faut, cependant, que le doux pèlerin nous dise d’abord sa joie d’avoir retrouvé l’amitié du vieux pin à l’ombre duquel s’écoula son enfance, toujours orienté vers l’Occident tandis que son camarade humain accomplissait le

  1. On nous parle de 657 livres sacrés, de resplendissantes images et statues du Bouddha et de saints, ainsi que de 150 reliques authentiques du Bouddha lui-même — charge de vingt chevaux défilant parmi musiques et bannières aux acclamations de l’empereur et de ses sujets.

    Le bouddhisme, dès la mort du Maître, s’est attaché à la vénération des reliques. À Mandalay, l’ancienne capitale de la Birmanie, j’ai eu entre les mains des restes authentiques de Çakya-Mouni, retrouvés dans un stupa du Pendjab, par notre éminent compatriote, M. Alfred Foucher, sur les indications des pèlerins. Un petit flacon de cristal avec couvercle d’or, contenant de minces fragments d’os dans une poussière blanche. Le Bouddha, heureusement, a laissé de plus importantes traces de son passage.