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COSMOLOGIE

est de la philosophie, il a magnifiquement poussé les grandes lignes de son enquête dans les plus hautes directions de la pensée. Conquis par le Macédonien, déformé sous la main de Rome, avili de Byzance, il n’a su, ni se maintenir dans une continuité de lui-même, ni mourir dans le linceul qu’il avait somptueusement tissé. S’il n’a pas vraiment fait le miracle, il nous a laissé les moyens de le faire puisqu’il nous a légué les plus belles, les plus fortes assises du connaître, pour des constructions de l’idéalisme à venir. Ni les plus beaux couronnements de poésie, d’esthétique, ni les plus subtils achèvements de raison supérieure, aussi bien que de science et de philosophie, ne lui ont fait défaut. Dans le conseil, comme dans l’action, la Grèce aura connu les plus beaux exemplaires de virilité. Les mêmes rivages des mêmes continents, les mêmes flots de la même Méditerranée, d’où nous étaient venus les grands frémissements des mentalités de l’Asie, ont pu nous apporter, dans le naufrage du monde gréco-latin, le raz de marée chrétien de l’Orient, par lequel toutes les terres émotives de notre continent furent submergées. C’était l’heure

                                      où la terre étonnée
Portait, comme un fardeau, l’écroulement des cieux.


Pourquoi faut-il que le monde nouveau, glorieusement prédit, n’ait pu se réaliser que dans le vocabulaire, puisque rien des réalités de l’homme vivant et agissant ne s’en trouva changé ? Sous des étiquettes renouvelées, mêmes inspirations de violences permanentes. Du sang partout et toujours. Cependant, le monde ne voulait pas finir, et l’homme déçu de l’an mil finit par se résoudre à la « Renaissance » pour les revanches dont il se détournait.

Ce n’est rien, quelques siècles de mécomptes. La jeune vitalité du sang barbare nous préparait, à travers les luttes cruelles du Moyen Age, les surprises d’un renouveau de l’antiquité. Abailard et ses cohortes d’écoliers allaient battre les portes séculairement murées de l’accès aux grandes voies de la connaissance positive si longtemps désertées. L’hellénisme se sera retrouvé, non pas seulement dans ses cosmologies, dans ses métaphysiques d’Asie, dans tous les domaines de l’art, mais encore et surtout dans ses hardies synthèses de la nature appelant le contrôle de