se composer, se décomposer, se recomposer en des séries d’assemblages ou le verbe audacieux ne craindra pas d’indiquer des mouvements de rapports — obsession de notre réceptivité nerveuse hantée de raffinements d’analyses, après les synthèses d’absolu auxquelles elle se sera tout d’abord attachée.
Des rudiments de grammaire se font, se défont, se régénèrent pour des coordinations de rapports dont l’expression soutient, développe, devance même la pensée en voie de formation. La grammaire, œuvre inconsciente d’un consentement commun, est, me semble-t-il, le chef-d’œuvre de l’espèce humaine en action sur elle-même pour des évolutions de mentalité organiques en voie de s’intégrer. L’homme parlant tirera de l’homme pensant des achèvements de pensées que le cri est incapable de déterminer chez les animaux.
Évoluées ou non, les racines, avides de formations nouvelles, ne pouvaient manquer de se faire concurrence, et par conséquent de diminuer le nombre de celles qui sont parvenues jusqu’à nous. « Les dictionnaires sanscrits, écrit Max Muller, nous donnent cinq mots pour main, onze mots pour lumière, quinze pour nuage, vingt pour lune, trente-trois pour carnage, trente-cinq pour feu, etc… » Qu’est-ce à dire ? On nous parle de 500 mots pour le lion, de 5 744 mots pour le chameau, etc., etc. Ce simple fait éclaire singulièrement les phénomènes de la vie des langues, faites simultanément par tout le monde, selon les besoins du jour, comme le démontrent encore nos quotidiennes formations d’argot, devant lesquelles cèdent parfois les plus obstinées résistances d’académie.
J’étais contraint par mon sujet d’indiquer nos premiers éléments de clartés sur les origines du langage qui ne se peuvent disjoindre des origines et surtout des accomplissements de la pensée. Mais de même que je ne me suis pas laissé entraîner aux séduisantes tentations de la psychologie — puisqu’il faut se borner, hélas ! — j’ai dû résister, de même, au plaisir de soulever le rideau qui cache encore à trop de gens « cultivés » le magnifique tableau des conquêtes de la philologie comparée.
Si j’avais réussi à donner au lecteur l’envie de pousser plus avant, il ne pourrait pas trouver de guide mieux informé que Max Muller. L’heureuse surprise lui serait réservée de découvrir les lois naturelles de la formation organique du langage, que