pour un temps, ses lois du parler[1]. On n’en devait venir de l’argot aux académies de grammaire que lorsque celles-ci étaient déjà superflues. Toutes ces sensations, productrices d’images simultanées ou successives, se précipitent en flots pressés, s’écoulent comme un torrent irrésistible qui entraîne et détermine, par toutes composantes de concours et de résistances, les coordinations de notre vie mentale, de notre personnalité.
Chacun peut voir que la sensation se résume en des vibrations de l’organisme nerveux qui arrivent à l’état de conscience grâce au véhicule de l’image par des pénétrations accélérées. Ces images synthétisent le phénomène, le manifestent en des aspects qui permettent et même commandent toutes combinaisons dont le classement nous serait interdit sans le recours des signes vocaux. C’est en ce sens que la parole articulée est la condition primordiale de notre pensée d’homme en évolution.
Nos idées abstraites (dissociations d’images) n’étant de compte que par les signes vocaux qui les figurent, et nos associations d’images ne révélant que les produits de sensations répétées, l’office de la parole sera principalement de les coordonner. La bête demeure court, faute de pouvoir abstraite et parler. Apparue l’abstraction, la généralisation ne se trouvant possible que grâce au concours de la voix articulée, l’homme sera pensant et parlant d’un même effort de volonté.
La dissociation (l’abstraction) détache de l’instantanéité de sensation certains caractères fictivement isolés par des mots évocateurs, pour des constructions verbales de rapports. Formules d’une algèbre qui nous fournit subjectivement la solution de problèmes d’objectivité. Nous savons très bien qu’il
- ↑ En ce sens, le penser théologique et les premières formules du parler sont deux manifestations presque simultanées d’une souveraineté de la foule qu’une oligarchie métaphysique se proposera plus tard de systématiser, jusqu’au jour ou s’imposera l’évolution de connaissance positive.