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au soir de la pensée

ne peut que s’abîmer dans des convulsions d’impuissance, s’il demeure dans l’univers un seul homme pour observer et coordonner, c’est-à-dire penser selon ses moyens. Mieux encore. N’en fût-il pas un seul, l’incoercible évolution mentale ferait tôt ou tard éclater le cadre de la stupeur universelle pour y faire enfin pénétrer les premières clartés de l’intelligence. Il n’est heureusement pas besoin d’attendre une telle journée. Dès à présent, les réactions de l’intelligence humaine se sont assez vivement dressées devant les plus hautaines entreprises d’incompréhensions. Nous avons connu l’éclat des dogmes « infaillibles » maîtres apparents de la pensée. Nous les voyons aujourd’hui se désagréger, emportés par un courant de connaissance que nul ne fera rétrograder. Songez à l’imprescriptible succession des conquêtes de l’investigation d’expérience depuis l’homme de la Chapelle-aux-Saints jusqu’à Newton.

J’en prends acte et je passe. Il n’est présentement besoin que d’une moyenne culture pour obtenir une vue suffisamment compréhensive des mouvements cosmiques de vérification reconnue. Notre effort millénaire, ne peut plus léguer à l’avenir que des thèmes accrus de généralisations positivement coordonnées.

Cependant, gardons-nous, à notre tour, des aveuglantes tentations d’une marche à l’absolu scientifique, s’il m’est permis de joindre ici deux termes qui ne peuvent s’accorder. Les rapports par nous déterminés ne peuvent exprimer qu’un moment des choses — point schématique de rencontres d’activités sans fin. Loin de pouvoir compter, par exemple, sur une constance de la pesanteur, nous la trouvons variable, pour des raisons déterminées, en différents points de la surface planétaire. On sait, par exemple, que toute chute d’un corps en un point quelconque a une répercussion générale sur les distributions de l’énergie gravitative. Si les contractions du refroidissement amènent une diminution du rayon terrestre, la pesanteur s’en accroît d’autant par l’effet de la loi de Newton. Or, ce refroidissement progresse d’une façon continue pour un accroissement continu de la pesanteur, entraînant des variations continues dans la composition de l’atmosphère.

Tous ces passages sans arrêt de l’évolution universelle nous conduisent à des rectifications de formules entées sur des non-concordances du phénomène et du langage qui prétend l’exprimer. Nous disons : « nous sommes, le monde est », mais tout ne