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au soir de la pensée

choses du point de vue nouveau de l’évolution. » Question clairement présentée.

Dans les étoiles les plus chaudes, les formes chimiques les plus simples. Complexités croissantes avec l’abaissement de la température, telle serait la formule fondamentale de l’évolution inorganique comme de l’évolution organique elle-même, jusqu’à quelque éventuelle rencontre d’inconnu. Il ne faut point se dissimuler que les études de l’analyse spectrale sont rendues très difficiles par l’imperfection de nos connaissances sur les états élémentaires. Après tant d’heureuses découvertes, notre science n’en est encore, sur ce point, qu’à ses premiers tâtonnements. Nous ne pouvons donc avancer que pas à pas dans un champ de si difficile accès, où la hardiesse doit être tempérée d’une méticuleuse prudence.

Sir Norman Lockyer se plaît à compléter ses « preuves stellaires » de sa « preuve solaire ». Nous ne pouvons que lui en donner acte, sans escompter encore les conclusions de l’avenir. Nous n’en sommes qu’aux préliminaires d’une hypothèse, et plus haute en sera la valeur, plus circonspects devront être nos apports d’acquiescement. Ce qui me paraît dès à présent hors de cause, c’est que sir Norman Lockyer a ouvert une large avenue de connaissances nouvelles où nos procédures d’expérimentation doivent résolument s’engager. Sur le sort réservé à ses premières interprétations, l’avenir devra prononcer. Quoi qu’il advienne, la gloire lui restera d’avoir formulé une vue féconde de l’universelle évolution du Cosmos en éternel devenir.

« La géologie stratigraphique, a dit Huxley, n’est pas autre chose que l’anatomie de la terre. » Les couches sédimentaires, avec leurs vestiges de flore et de faune, parlent assez clairement. Que d’âges ont passé avant qu’on ne s’avisât d’interpréter des empreintes où se déroulait sous nos yeux l’histoire authentique de notre planète et de ses habitants ! C’est de nos jours seulement qu’on s’y est résolu, et dès les premières observations, les preuves de l’évolution organique ont surgi d’une telle évidence que le grand nom de Cuvier et l’autorité des académies virent leur victoire éphémère sur Geoffroy Saint-Hilaire suivie d’une déroute générale des fameuses créations séparées[1]. Darwin, après

  1. « Il y a, dit Linné, autant d’espèces diverses qu’il y eut de formes dis-