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l’évolution

caractérisent le Cosmos, pour la conservation et la dissolution, sans cesse renaissantes, de toutes les complexités. J’en prends acte, comme de la gravitation à laquelle elles se rattachent nécessairement. Par la génération et par l’hérédité qu’elle entraîne, le complexe organique tend à se conserver, mais dans les conditions d’activité où la multiplicité et la diversité des composantes ne peuvent que s’ajuster en l’éternel mouvement élémentaire qui est la condition du Cosmos. L’hérédité et la variation sont lois fondamentales du monde au même titre. Seulement l’hérédité s’impose à notre expérience, tandis que la variation imperceptible tend à se dérober. Voilà pourquoi nous nous étonnons au rebours. Sur l’hérédité, les innombrables questions que je passe sous silence ramèneront toujours le lecteur à celles que je viens d’indiquer.

En somme, la variation est considérée par Delage comme « un phénomène universel s’étendant à tous les êtres et portant sur tous les caractères ». « C’est le grand mérite de Darwin, écrit-il, d’avoir senti et montré que la nature n’est pas figée, qu’elle est en mouvement de variation incessante[1]. Lamarck avait eu l’idée géniale que les espèces peuvent varier pour se transformer. Darwin a compris qu’elles varient sans cesse, même quand elles ne se transforment pas. »

Ainsi peut-on dire que d’hérédité et de variation tout individu se compose — l’activité biologique n’étant que de mutations continues plus ou moins durablement stabilisées. C’est que l’énergie cosmique s’efforce dans tous les sens. L’hérédité prolonge la durée des passages d’enchaînements que nous dénommons phénomènes ; et les variations, par d’autres coordinations, en abrègent le cours. Toutes les transformations devant s’accompagner d’une déperdition et d’une récupération d’énergie, Le Dantec, après avoir constaté que c’est la déperdition d’énergie qui donne à l’organe le sens de son évolution, propose d’admettre comme équivalents « le principe de la conservation de l’énergie et le principe de l’évolution. »

« Les espèces, nous dit M. Delage, ne peuvent provenir que de variations fixées. » Il est vrai. Mais nous ne saurions attacher à cette fixation un caractère d’achèvement qu’elle ne peut avoir.

  1. C’est Buffon qui a noté les premières indications de la variabilité.