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les âges primitifs

abris des rochers où se fixèrent des huttes de branchages nous présentent des débris de repas. Puis des ossements d’animaux domestiques, peu différents de ceux d’aujourd’hui. Des armes se fabriquent : notamment l’arc et la flèche, le harpon. Le bois de renne, l’ivoire du mammouth sont ouvrés, comme la branche d’arbre et les cornes d’animaux. La poterie, d’abord crue, se durcira plus tard au four élémentaire. Les peaux s’utilisent contre la rigueur du climat[1]. Des restes de cordages sont demeurés dans les lacs, avec des fragments de bateaux. Des commencements d’art nous font apparaître des aspects d’humanité féminine qui n’éveilleront point notre orgueil[2]. De rares sépultures nous rendront des vestiges fossiles de l’homme, et comme ils seront différents des modernes, nous aurons à nous poser plus tard de graves questions sur nous-mêmes et sur nos parents.

Cependant, les grands animaux, poursuivis, vont s’éloigner de nos climats ou s’éteindre. L’homme nomade apprend à renouveler ses approvisionnements sur place. Le voilà, en certains lieux, sédentaire. D’errant, de chasseur, de pêcheur, il deviendra pasteur, agriculteur. Il est en possession du feu. Le métal apparaît, apportant des perfectionnements d’outillage. Les stations lacustres s’organisent ; D’inattendues sensations d’art se révèlent dans le choix de la matière et dans la taille. C’est tout le cycle de la préhistoire qui commence à se dérouler devant nous. Quels furent, en ces temps, les moyens de l’homme en action ? Nous en avons de nombreux témoignages. Est-il concevable, cependant, que de tels progrès aient pu s’accomplir dans le labeur de l’ouvrier, de l’artiste, non seulement sans l’intervention mais encore sans les développements du langage ? Personne ne voudrait le soutenir.

  1. La ceinture biblique de feuillages indique nettement l’apparition lointaine de la pudeur dans l’humanité — avant l’apparition d’un premier essai de vêtement utilitaire.
  2. L’art de l’âge paléolithique ne lui a pas survécu. Cependant, les lignes de nombreux outils de pierre indiquent un heureux sentiment des proportions, ce qui n’est pas un mince mérite. Pour la matière, et pour l’harmonie des proportions, il y a des haches d’une incomparable beauté. La poterie était connue. Les paléolithiques, nous dit-on, étaient chasseurs, pêcheurs ; les néolithiques, cultivateurs. Il va sans dire que tout ce monde fut mélangé. Et sur quelle étendue ? Ce sera, bientôt peut-être l’âge des dolmens, des menhirs, des cromlechs. Nous sommes aux portes d’une évolution qui deviendra « civilisée ».