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les âges primitifs

pour discerner nos voies dans le tumulte délicat des compositions de sonorités. Mais nous n’en sommes qu’au début de la tâche.

D’importants travaux de linguistique ont été accomplis dans les complexités de ce domaine, et déjà les phénomènes de la vie des langues s’en trouvent singulièrement éclairés. Mais je n’ai point ouvert ici un guichet d’universelles lumières. C’est la formation primitive des langues que je considère, en ce moment, dans la série des organismes en évolution. Je n’en suis encore qu’aux problèmes, singulièrement ardus, de la formation du langage articulé qui caractérise l’espèce humaine. Je me contenterai donc, sur ce point comme ailleurs, de sommaires indications de positivité recueillies en remontant aussi loin que possible jusqu’aux sources de l’évolution.

En des formes diverses, des animaux de tous ordres donnent de la voix pour s’exprimer plus ou moins clairement selon les circonstances. Des insectes bourdonnent, font bruire leurs élytres. Fécond en voix sonores, le mammifère se plaît à l’expression plus qu’à l’acte lui-même, tandis que l’oiseau se répand en chansons[1]. Sages, les poissons demeurent muets, avec le plus grand nombre des êtres doués de vie. Où commencent les manifestations de sonorités vivantes, c’est une étude à faire. L’abeille, la fourmi, font leurs rassemblements sans appels perceptibles, comme beaucoup d’oiseaux. J’ai dit les parlements des hirondelles. Éminemment profitables pour l’individu, comme pour la grégarité, se trouvent ses manifestations sonores. Et si nous ne réussissons pas toujours à en reconnaître le sens, nous ne pouvons nier qu’il s’établisse ainsi, de l’être vivant au Cosmos, des lignes de communications supplémentaires particulièrement propres à multiplier, à faciliter les relations de la vie. C’est ainsi qu’un perfectionnement des signes vocaux peut se trouver d’une importance décisive pour l’amplitude et les achèvements des évolutions à venir. Ressource incomparable que nous apporte le code des nuances grammaticales de la voix articulée dont l’homme seul a le privilège.

Quelles sont les origines de cette correspondance des articula-

  1. Sait-on que les souris chantent ? Je l’ai constaté de mes yeux et de mes oreilles en Vendée et en Amérique. Aucun doute n’est possible à cet égard. On dirait d’un oiseau.