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les âges primitifs

animaux et la magie » qui s’y sont mêlés. C’est, nous affirme-t-il, la lutte commençante « des instincts inférieurs de l’homme et des droits de Dieu ». Pourquoi donc cette lutte dont nous sommes victimes par la volonté du Très-Haut ? Les « Droits de Dieu » à l’erreur de la terre immobile, le grand astronome florentin sut trop bien, pour avoir tenté de les méconnaître, quel parjure scientifique lui fut imposé. Cependant, l’Église a dû se dédire, et c’est beaucoup qu’elle ne se présente plus dans nos laboratoires la torche en main. Le livre de M. l’abbé Mainage montre même qu’elle chercherait à s’accommoder. Acte lui soit donné d’un commencement de résipiscence qui ne sera pas poussé bien loin.

Tout le monde sait que nous n’avons pas de fossiles humains au delà du terrain quaternaire. Fait acquis à ce jour. Cela signifie-t-il que l’homme n’a pas dû vivre au cours de la période tertiaire ? En aucune façon. Nos fouilles n’ont encore entamé qu’une surface infime, et si, pour quelque raison que ce soit, le tertiaire ne nous fournissait pas de vestiges directs, si nous continuions à discuter sur des éolithes qui ne sont certainement pas d’un travail humain, il ne nous en serait pas moins permis de raisonner d’expérience sur l’éventuelle durée des coordinations évolutives.

Avant d’en arriver là, il faut avoir le courage de ne pas s’arrêter au simple schéma des évolutions. Frappés de rapprochements ostéologiques, nous en venons, après des résistances plus ou moins prolongées, à l’idée d’une descendance, et, cet effort accompli, nous laissons aux savants le soin de se reconnaître dans toutes les successions d’enchaînements qui doivent combler la distance d’un fossile à l’autre, pour réaliser toutes coordinations de vie évoluée.

Le cas de l’homme de science, lui-même, est fort différent. Il tient ses fragments osseux, il les analyse, il les compare et ne peut les faire parler clairement qu’avec l’aide des conditions du milieu. La couche sédimentaire où le fossile se rencontre fait apparaître un moment de ses annales, mais ne peut se relier à l’histoire de l’ensemble qu’à travers les conditions de la durée. Or, pour se réaliser dans les complexités d’activités indéfinies, les évolutions ont besoin d’une durée incalculable, et cette durée, les formations successives des sédiments peuvent seules