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les âges primitifs

circonvolutions dont les caractères la classent entre l’homme et le gibbon. Le fémur est plus près de l’humain. C’est celui d’un homme debout. L’individu pithécanthropique de Java fut peut-être l’un des derniers exemplaires de sa race si, comme beaucoup le croient, il fut le contemporain d’hommes précédemment évolués. Car des fragments d’ossements humains furent exhumés des fouilles du Trinil avec des marques de l’industrie primitive. Je me voile la face, et je me demande s’il n’y eut pas des unions mixtes. Horreur ! Notre authentique aïeule du quaternaire, dont ceux qui l’ont contemplée nous ont laissé de navrantes images, subit peut-être un jour l’affront de voir se détourner d’elle un jeune pithécanthrope à l’œil émerillonné. L’Asie et même la Grèce nous ont laissé des légendes qui pourraient nous porter à croire que le souvenir s’en est conservé. Que le pithécanthrope de Java soit apparenté ou non à un vieux gibbon fossile, dans un terrain tertiaire de l’Égypte, comme le veut M. Boule, la question n’en sera pas changée. Nous aurons seulement conquis une trace nouvelle dans la confusion des descendances indéterminées.

La mâchoire de Mauer[1] est-elle d’un homme ou d’un anthropoïde ? Elle est lourde et forte. Certains de ses caractères la rapprochent du gibbon. Les dents accusent un facies humain. Cependant, le menton fait défaut. Quelques-uns la voudraient rabaisser jusqu’aux singes caractérisés, tandis que d’autres tendent à la rapprocher du fossile de Java. Pour nous qui n’avons point à nous prononcer sur ce cas particulier, il suffit de remarquer que le seul fait de la question posée montre les caractères du simiesque et de l’humain si bien confondus dans la même pièce anatomique que l’enchaînement des deux évolutions ne peut pas être contesté.

Voici justement qu’à Piltdown, près de Newhaven (Sussex), des restes dits « humains » sont extraits des graviers. Deux crânes dont l’un incomplet, une mandibule inférieure, la moitié d’une autre, des naseaux, une canine. Des auteurs autorisés[2] y veulent reconnaître « un très vieux type d’homo sapiens », tandis que M. Boule incline à y voir les restes d’un chimpanzé. « La rencontre,

  1. Près de Heidelberg.
  2. L. Joleaud, Éléments de paléontologie.