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La civilisation

s’accommodent remarquablement de toutes étiquettes pour des similitudes, aussi bien que pour des différences, de mouvements profonds. Autocratie, démocratie procèdent de conceptions tout opposées, à la condition de se résoudre généralement en des constructions d’oligarchies groupées autour d’un monarque ou d’un Démos aux mille têtes auquel se substituent des oligarchies populaires, pour des résultats qui, depuis Aristophane, n’ont pas sensiblement changé.

Je laisse de côté le morbide parlage du système dit « représentatif », plus prompt aux incohérences de paroles qu’aux coordinations d’activités. Je risque volontiers cet aphorisme que le Parlement n’est pas propre à gouverner — cela, par des raisons que la pratique a suffisamment éclairées. En trop de pays, l’art de gouverner est devenu l’art d’ajourner. Les raisons en sont assez claires. On se promet d’avoir demain du caractère. Les assemblées délibérantes, cependant, seraient précieuses pour le contrôle, si elles s’imposaient le devoir de l’exercer. Mais quoi ! Il y a tant de manières de l’éluder — côté des contrôleurs et côté des contrôlés — que l’entente se fait trop souvent aussi bien sur l’ajournement des questions les plus urgentes que sur des formules d’apparences d’où la réalité du contrôle est exclue.

Nous sommes tenus de croire que, la civilisation aidant, ces défaillances en viendront, un jour, à prendre fin. Groupements, parlements, ont, en général, d’excellentes dispositions velléitaires, mais faute de pouvoir se mesurer avec des éléments qui les dépassent, ils ne peuvent apporter que dispersion d’efforts à où il serait besoin d’un ferme concours de volontés. Les oligarchies dites de l’ « élite » paraissent, à distance, mieux respecter les apparences. Les autres font un plus grand bruit de mots, sans toujours nous offrir la revanche annoncée d’un désintéressement social supérieur.

En principe, tous les gouvernements désirent faire le mieux possible, ne serait-ce qu’en vue de demeurer. Pour la détermination de ce « mieux » et les moyens de nous le procurer, leurs efforts, généralement confus, nous enferment trop souvent en des impasses bloquées par des combinaisons d’intérêts. Sous divers qualificatifs, les oligarchies gouvernantes, dûment pourvues d’un verbalisme d’idéal, demeurent fondées sur des satisfactions