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et après ?

du laboratoire et de ses industries. Le plus simple ne serait-il pas de prendre résolument notre parti de ce qui est, comme nous nous résignons à n’avoir point d’ailes par l’unique raison que nous n’en avons pas.

Je pourrais laisser l’argument à ce point, par l’unique raison que les lois de l’univers déterminent l’homme qui y est inclus. Mais il ne me déplairait point d’entrer dans le propos même de nos contradicteurs, et de leur demander si l’accord du sujet et de l’objet, qui fait la connaissance, ne peut pas et ne doit pas s’achever d’un accord d’émotivités humaines à l’unisson des activités cosmiques dont nous sommes enveloppés. C’est le grand problème de l’accommodation universelle, auquel je ne cesse de revenir. L’accord de la connaissance et des émotivités doit s’établir et s’achever, au lieu de se perdre en des oppositions irréductibles. Faut-il donc renoncer à nous unifier dans les conjugaisons organiques de l’homme sentant, pensant, et s’émouvant au delà de lui-même jusqu’à la rentrée générale de l’activité subjective dans le réservoir infini de l’objectivité ?

Un sommeil sans rêves, c’est-à-dire un état d’inconscience qui ne se peut déterminer que sous une forme de négation, voilà tout ce que nous pouvons anticiper de la mort. Ce n’est pas bien redoutable. Absence de plaisir, absence de douleur. Pour s’effrayer d’un tel état, il faut vraiment avoir perdu tout équilibre de jugement, puisque nous en faisons l’épreuve, non sans satisfaction, à la fin de toute journée. L’effort quotidien accompli, ne courons-nous pas au sommeil réparateur ? Quoi de plus ? Quoi de moins ! Au soir, chacun s’exclame d’un heureux cours d’insensibilité à venir. Quel plus grand mal que d’avoir perdu le sommeil ? Que valent donc ces plaintes d’un état dont le rythme nous est si précieux ?


Où l’étoile ?


Le mois passé, je disais adieu, sur sa demande, à l’un de mes meilleurs amis qui retournait à la terre sans plus de cérémonies qu’au jour où il y était venu, et je risquais cette pensée que