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au soir de la pensée

cortèges de formations, aussitôt rompues que fixées, se trouvent éminemment propres à déconcerter nos premiers essais de coordinations, Ces monstrueuses masses de limon, issues de tous les brassements d’eaux et de feux où toutes les combinaisons cosmiques se déploient, ne demanderont plus que des milliers de milliards d’années ou de siècles pour accomplir, par d’insensibles évolutions, le suprême prodige d’une apparition de la vie, et, par la vie, de la pensée, c’est-à-dire de la conscience de nos relations. En déterminer des séries, avant d’en pouvoir faire, d’observation, une synthèse ordonnée, sera d’un immense effort de subjectivité dans la stupéfaction de notre éblouissement.

La science la plus ancienne est des mouvements des astres. Encore fallut-il qu’on y rattachât puérilement les liens des destinées humaines, et que de grands esprits s’égarassent aux chimères de l’astrologie qui nous font hausser les épaules présentement. Que de résistances a chaque nouvelle pénétration des mouvements de la vie planétaire ! Ce fut un autre événement quand l’observation des terrains ayant fait apparaître une histoire où Moïse ne pouvait situer ses récits, des débris du travail humain, et de l’humain lui-même, vinrent, au scandale des Églises et des Académies, apporter d’irrécusables témoignages qu’il fallut bien admettre, après les avoir maudits ! Cela, des temps modernes — gardons-nous de l’oublier.

Une fois déchaînée, rien n’arrête l’investigation positive. Nous sommes dès maintenant en possession d’une histoire authentique de notre imperceptible et magnifique planète dont l’action retentit jusqu’au delà de la dernière étoile visible — sentinelle avancée de notre « espace infini ». La forme, la grandeur, la masse du globe terrestre, avec sa changeante atmosphère, avec les mouvements de ses mers, de ses roches, de ses alluvions, ou vont se développer tous les spectacles de la vie jusqu’aux extrêmes répercussions d’une pensée humaine sur le Cosmos lui-même en ses rapports d’universels mouvements, voilà des conceptions d’une autre envergure que celles dont se plaisent à nous bercer métaphysique et théologie.

Tandis que nous devons nous contenter de pressentir l’âge des étoiles d’après les changements de leur coloration, comme de déduire d’une analyse des rayons lumineux les états d’évolutions stellaires, notre bonne terre, éteinte et de surface refroidie.