Page:Clemenceau - La Mêlée sociale, 1913.djvu/10

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somme de douleur obtuse ou déchirante d’où nous sommes sortis.

Nous renfermerons-nous dans le temps présent ? Pénétrez dans la forêt vierge, comptez de combien de milliards de cadavres voire pied recouvre la tombe, et songez combien d’autres milliards gisent dans la profondeur, accumulés par le temps impassible. Du baobab à la fougère, du lichen pointant du spore à l’évoluante cellule, c’est une bataille éperdue. Et le monstrueux amas de morts et de mourants lutte encore, par la fièvre foudroyante, contre l’organisme supérieur brusquement survenu : tel, le preux de la légende, qui, mort, combattait toujours.

Et la faune multipliante du sol ou de la mer non visités de l’homme, comment se maintient-elle sinon par le combat sans merci de toute heure entre la vie qui est et la vie qui veut être. J’écarte l’infini pullulement des organismes inférieurs. « Des données recueillies par Bonnet et d’autres naturalistes, dit Quatrefages, il résulte que si, pendant un été, les fils et petits-fils d’un seul puceron arrivaient tous à bien, placés à côté les uns des autres, ils couvriraient un terrain d’environ quatre hectares. » Jugez, par ce petit fait, de l’œuvre de mort autour de nous.

Cela n’est rien encore. Où tend cet universe, massacre de toujours ? Où aboutit l’évolution de