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Page:Clerget - Louis-Xavier de Ricard, 1906.djvu/26

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Le livre s’achève par ce rappel de l’amour qui en relie les plus diverses phases :

Souhait


Autour de ta beauté, qu’il caresse de l’aile,
L’essaim blond de mes vers bourdonne ses adieux,
Et ravive un moment son éclat jeune et frêle
À la splendeur profonde et calme de tes yeux.

Ces vers sont tes enfants, ton sein chaud et fidèle
Leur ouvrit constamment son asile joyeux ;
Et, par de longs fils d’or, la magique prunelle
Dirigera leur vol dans l’infini des deux.

Après avoir, quatre ans, soigné notre couvée,
Nous lui livrons enfin la Liberté rêvée ;
Ah ! dans dix ans encor, puisse un essaim plus beau,

Moissonnant le jardin de tes grâces écloses,
En verser, en chantant, les myrtes et les roses
Sur notie vieil amour, toujours jeune et nouveau !


Après ma lecture, j’ai ressenti l’impression singulière qu’on ne peut faire des citations d’un tel ouvrage ; heureusement, j’avais noté mon choix. Son auteur était si plein de l’idée démocratique extrême, que de la première à la dernière ligne tout s’enchaîne, tout se commande, relié par cette idée centrale. Ce n’est pas un recueil de pièces écrites selon des circonstances, c’est une profession de foi. Le Ciel qui n’a plus de dieux, la Rue qui livre l’état moral des cités, le Foyer qui prépare le règne de la femme : ces trois larges conceptions ont formé la mission publique de Ricard entre 1862 et 1865. Même l’époque et ses influences, même l’amour si vivement célébré, ne sont que de grands intermèdes en ce poème du progrès, rapide et vigoureux, lyrique et précis, s’avançant perpétuellement vers l’avenir.

C’est une œuvre vaillante, et surtout sincère. Après le speech de Ricard, à la manifestation de Reims du 8 octobre dernier, ayant suivi avec une émotion croissante sa lecture si simple, comme faite pour lui seul, d’un accent qui l’entraînait lui-même, lorsqu’il disait des choses plus vues en dedans que lues au dehors, je me vis en présence d’une sincérité si naturelle que je dis naïvement : « À vous entendre, on se sent devenir votre ami ». Eh bien ! à lire Ciel, Rue et Foyer, cette sorte de sensation ne s’est ni augmentée ni diminuée ; mais elle est confirmée. Le livre achevé, j’ai pensé : Il y a là un homme, — et je donnais à ce mot sa plus haute valeur.

Sans doute, j’ai réfléchi avec anxiété que de froids sectaires peuvent s’appuyer sur bien des passages cruels de l’oeuvre. En ne permettant à sa philosophie que de se retremper dans la source de la nature, eu ne lui concédant pour sauvegarde que l’amour, l’auteur conduit à l’anarchie suprême. Plus rien que la force et la ruse, c’est-à-dire la mort. Nos jacobins actuels ne voient pas ces extrêmes conséquences ; ardents de jeunesse, prêts à marcher bien au-delà de ceux de 1794 et décidés à ne pas mourir,