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Page:Closset - L’Ombre des roses, 1901.djvu/65

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Tu as la forme d’un cœur et c’est fantastiquement que tu ressembles au mien avec ta queue serpentine. Mais je ne vois pas ton fil, et où prendrai-je le mien ?… »

« Triste, triste petit jour !… Gilles-Cœur, dans la plaine lutte avec le grand vent, et s’étonne, regardant haut. Car, là, tout reste ensommeillé, entortillé de gris, résigné ! résigné ! Ah ! cerf-volant — Gilles-Cœur tend les bras, et son cœur pleure pour cet intraduisible, pour ce lugubre et doux cœur de papier, si seul, si mince — contre lequel en l’atteignant, on entendrait la palpitation du matin, brève et sourde, frapper. —

« — J’y monterai, dit Gilles-Cœur, il faut que je sois son ami. Je n’entends rien encore, mais il me parlera puisque moi, d’en bas je lui parle, puisque d’en bas je l’aime — Comme il ne bouge pas !… Alors, il courut dans la plaine, il courut sous le cerf-volant, chercha le fil, pleura, s’assit, et se résigna comme l’aube — Gilles-Cœur songeait : j’attendrai — peut-être verrai-je le fil quand le soleil sera plus haut. » —

Et, ce pensant, il s’endormit. —


C’est le moment de le décrire : Il est blanc comme un innocent. C’est lui que je vis une fois au Louvre, dans le grand tableau, avec sa collerette molle et ses manches beaucoup trop longues. C’est celui même de Watteau.


Quant à la mer — car c’est à la mer que je songe et que je veux me mener, elle était au bout de ce fleuve — nous y arriverons fort tard. —

« Gilles et le Cerf-volant » ai-je dit, tout d’abord : je raconterai leurs amours et ce que cela signifie. Pour moi,

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