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Page:Closset - L’Ombre des roses, 1901.djvu/68

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lait quelque part… Je vous le dis en vérité et ce n’est pas que je l’aie vu — où voulez-vous que je l’aie pris ? — mais je le dis en vérité.

Gilles dormait comme l’on dort — écoulement d’un souffle tiède, blancheur du front, — les sourcils rêvent, et les mains tout inoccupées…

Je vous conterai à présent l’histoire d’un petit enfant :

Il était rachitique un peu, moins orphelin que Gilles au moins ; d’ailleurs il avait des parents. Son dos lui faisant trop de mal, il regardait toujours la terre et devenait très solitaire. Son père fit un cerf-volant ; il était haut comme lui-même, il avait la forme d’un cœur et sa queue n’en finissait pas. L’enfant la noua de ses doigts, puis, comme il savait l’écriture, sur chaque chiffon de papier, il écrivit des mots, des mots… des mots de tout petit enfant.

Puis on leva le cerf-volant.

Des deux yeux l’enfant le suivit ; de ses deux pauvres yeux aimants, il aimanta le cerf-volant et dirigea son grand vol bête. Il ne regardait plus en bas ; son dos, un peu se redressait ; son bras tendu par la ficelle avait l’air d’une petite aile… Si bien, si mal qu’il en est mort, et que le fil s’est envolé dès que l’âme s’en fut allée.....................

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cette âme-là non plus, ne la réveillez pas !


L’herbe dressait entre les doigts de Gilles ses glaives doux où montait la rosée, — la brume aussi montait dans la vallée ; le jour montait, l’alouette montait, le vent montait jusqu’à la lune pâle et lui soufflait sa mort en plein visage… Gilles dormait, lui, tout en bas, — mais son désir montait — n’oubliez pas !

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