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joseph de maistre.

suprême du gouvernement. Pour Maistre, comme pour Tertullien, pour saint Augustin, c’est l’attribut principal de l’autorité, de l’autorité divine d’abord, et de l’autorité humaine, par une délégation de l’autorité divine, dont celle-ci n’est que l’émanation. De ce chef, on peut dire qu’il y a dans le droit de punir quelque chose de divin. S’il n’en était pas ainsi, trouverait-on parmi les hommes un être assez dégradé, assez bassement sanguinaire, pour répandre le sang de ses semblables, sans passion, sans haine, par métier ? Le bourreau ne peut se concevoir que comme l’agent inconscient de la volonté suprême qui, en déléguant aux sociétés humaines le droit et le devoir de frapper les coupables, a dû leur donner le moyen d’accomplir ce cruel mandat. L’existence du bourreau sur la terre devient pour l’éloquent écrivain une preuve de l’existence de Dieu dans le ciel et de son intervention constante dans les choses d’ici-bas. — Ici se montre à nu la tendance bizarre que nous avons déjà signalée chez J. de Maistre, qui le pousse à compliquer les problèmes, à multiplier les énigmes, à donner aux choses simples des explications mystérieuses. La célèbre digression sur le bourreau est la page la plus connue de ses œuvres. Que de gens qui parlent de lui n’en ont pas lu d’autres ! Et c’est à ce morceau brillant, mais déclamatoire, que l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, homme de mœurs douces, violent en paroles, mais bon sous son enveloppe un peu rude, doit son renom sévère, presque cruel, auprès de ceux qui