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Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/394

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— Mais, général, je suis sans fortune, et j’ai trois chevaux de prix dont je veux me défaire ; je ne puis plus les nourrir.

— Cela ne me regarde pas. Si vous ne pouvez nourrir vos chevaux, vendez-les.

— Mais à Auxerre je ne trouverai pas à les vendre à leur valeur.

Laissez-moi tranquille. Si vous ne pouvez les vendre, brûlez-leur la cervelle.

— Non, général, je ne le ferai pas ; ils mangeront plutôt jusqu’à ma vieille redingote. Mon cheval de bataille, monté par moi, a aidé à sauver l’empereur, qui voulait se jeter dans le carré de sa vieille garde à Waterloo. Je l’ai escorté jusqu’à Laon, au pied de cette ville ; c’est là qu’il nous quitta. Mon cheval de bataille est, comme moi, couvert de gloire ; j’en ferais plutôt cadeau à mes amis que de leur faire le moindre mal à ces pauvres bêtes.

À la suite de cette scène, je pris congé du général, consterné à la vue de la position qui m’était faite, et pourtant ce n’était encore que le prélude des épreuves qui m’attendaient. J’ignorais alors que je dusse être mis, comme je l’ai été pendant sept ans, sous la surveillance de la haute police. On n’eut pas grand’peine à me garder, car je ne bougeais pas de la ville. Enfin, bien installé chez Carolus Monfort, je ne disais mot à personne de ce que l’on me faisait souffrir. Je formais le noyau de sa table d’hôte. Le régiment de l’Yonne