terre dure. Je me piquais d’ailleurs d’émulation pour la culture, comme j’avais fait dans le temps pour le maniement des armes, et me déchaînant contre l’ouvrage, je montrai à mes ouvriers que le soldat peut reprendre, au besoin, le travail des champs et s’y faire honneur. Mes pauvres mains avaient de fortes ampoules, mais au bout d’un mois, mes petits morceaux de vigne, si longtemps négligés, se trouvaient en bon état.
Ma besogne achevée, je revins à Auxerre, où m’appelaient des affaires plus sérieuses. Je n’avais pas demandé de permission pour m’exiler à quatre lieues de la ville ; personne, du reste, ne me demanda où j’étais allé, et je me crus, un moment, sauvé des inquisitions de la police. Cependant, je commençais à m’ennuyer de végéter ainsi, et, depuis mon renvoi définitif, la pensée de choisir une compagne, de prendre femme enfin, me revenait sans cesse. Vivre désœuvré, vivre seul ne m’allaient ni l’un ni l’autre. Allons, mon pauvre grognard, me disais-je, tu ne peux plus rester garçon, et puisqu’il t’est permis de t’établir, marie-toi. Oui, mais où la chercher, où la trouver, la femme que tu veux ? D’ailleurs, à qui me confier pour cela ? Après bien des réflexions, je résolus de ne confier cette mission qu’à une seule personne, c’est-à-dire à moi-même.
Le hasard me conduisit un jour chez M. Maure, qui était, du reste, un de mes dignes amis ; je le voyais depuis 1814, et j’étais toujours bien reçu chez lui. Il