bataillons, placés à l’avant-garde, les serraient de près et les poussaient sur la route de Vicence.
C’est alors que je m’occupai d’acquitter mes dettes de Crémone, c’est-à-dire mes malheureux ports de lettre. Je montai la garde aux postes avancés. Nous étions, comme d’habitude, quatre hommes et un caporal. L’adjudant-major vint nous placer et je fus désigné le premier pour faire faction, On me mit dans un pré en me disant ; faites feu sur tout ce qui viendra de ce côté, sans crier qui-vive : ne vous laissez pas surprendre : ne laissez pas surprendre vos camarades.
Me voilà seul, par une nuit profonde, en sentinelle perdue, pour la première fois de ma vie, je ne voyais pas à deux pas devant moi ! j’étais immobile et j’écoutais en serrant convulsivement la batterie de mon fusil. Bientôt la lune se lève, j’étais soulagé d’un grand poids, j’allais voir clair autour de moi, je n’aurais plus peur. Mais tout à coup j’aperçois, à cent pas environ au milieu des feuillages, une forme blanchâtre et singulière, ressemblant à un grenadier hongrois. Rien ne bougeait. Cependant je croyais être sûr de mon fait, j’ajuste du mieux que je peux et je tire… À mon coup de fusil toute la ligne répond. Je pensais que l’ennemi débouchait de tous côtés et je rechargeais mon fusil en toute hâte. Le caporal arriva bien vite avec ses trois hommes, l’adjudant-major ne se fit pas attendre. Nous nous assurâmes que le grenadier hongrois était tout simplement un tronc de saule à moitié moisi, Néanmoins on ne me gronda pas : j’avais fait