Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
DU CAPITAINE COIGNET.

Je me trouvai à la première section, au troisième rang, par mon rang de taille. En sortant du village une pièce de canon fit feu à mitraille sur nous et ne fit de mal à personne. Je baissai la tête à ce coup de canon. Mais mon sergent-major me donne un coup de sabre sur mon sac : « On ne baisse pas la tête ! me dit-il. — Non ! lui répondis-je. »

Le coup parti de cette pièce, le capitaine Merle crie pour prévenir le second coup : « À droite et à gauche dans les fossés ! »

Comme je n’avais pas entendu le commandement de mon capitaine, je me trouvais tout à fait à découvert. Je cours sur la pièce, je dépasse nos tambours et tombe sur les canonniers. Comme ils finissaient de charger, ils ne me virent pas ; je les passai à la baïonnette tous les cinq. Et moi de sauter sur la pièce, et mon capitaine de m’embrasser en passant ! Il me dit de garder ma pièce, ce que je fis, et nos bataillons se jetèrent sur l’ennemi. C’était un carnage à la baïonnette, avec des feux de peloton ; les hommes de notre demi-brigade étaient devenus des lions.

Je ne restai pas longtemps. Le général Berthier vint au galop et me dit : « Que fais-tu là ? — Mon général, vous voyez mon ouvrage. C’est à moi cette pièce, je l’ai prise tout seul. — Veux-tu du pain ? — Oui, mon général. »

Il parlait du nez et dit à son piqueur : « Don-