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Les gros matadors[1], qui avaient entendu M. Borel, nous regardent, et ils s’emparèrent de nous. Le punch se faisait partout, et mon lieutenant leur dit que c’était moi le premier décoré ; alors tout le monde de se rabattre sur moi, criant : « Allons ! buvons à sa santé ! »

Jetais confus. On me dit : « Buvez, mon brave. — Je ne puis boire, Messieurs, je vous remercie. »

Enfin, nous fûmes fêtés de tout le monde ; toutes les tables voulaient nous avoir. Nous fûmes saluer le maître de la maison et le remercier ; à minuit, nous rentrâmes à notre caserne. Mon lieutenant était sobre comme moi ; nous ne prîmes que très peu de chose… Que cette soirée fut belle pour moi qui n’avais jamais rien vu de pareil !

Mon lieutenant me mena chez mon capitaine le lendemain matin ; nous fûmes embrassés tous les deux, et il fallut prendre le petit verre : « À midi, dit mon capitaine, vous irez avec le lieutenant qui vous présentera à M. de Lacépède comme le premier décoré ; c’est l’ordre. Et les grenadiers à deux heures. »

Nous prîmes un fiacre et, arrivés dans la cour, on monte de grands escaliers. Puis, les deux battants s’ouvrirent et nous fûmes annoncés. Le chancelier paraît avec un gros et long nez ; mon

  1. Matador veut dire ici bourgeois.