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LES CAHIERS

Lorsque je fus convalescent, on me portait dans un fauteuil près de la croisée pour prendre l’air. M. Suze me fit peigner et dit à l’infirmier qu’il ne voulait pas que mes cheveux soient coupés. Il fallut mettre beaucoup de temps et de poudre, et il fit mettre un masque à l’infirmier. Il y avait deux verres à son masque pour qu’il ne soit pas empoisonné, tout le vert-de-gris étant dans ma chevelure. Cette opération dura une heure ; je donnai trois francs à l’infirmier pour la conservation de ma chevelure. Nous portions alors des ailes de pigeons, et il fallait mettre des papillotes les soirs, et le perruquier venait nous coiffer tous les jours au corps de garde le matin. À midi, on ne connaissait pas la garde descendante avec la garde montante. Nous fûmes bien débarrassés lorsque l’ordre fut donné de couper les queues, quoique ça fît une révolution dans l’armée, surtout dans la cavalerie.

Ma convalescence venait à vue d’œil. Je dis à M. Suze que je me portais bien et que je désirais avoir une permission pour prendre l’air du pays natal, vu que j’étais invité dans un château pour me rétablir et que le lait me ferait du bien. « Je vous donnerai, dit-il, trois mois si vous voulez. Je vous recommande de ne pas habiter avec une femme au moins d’un an, car vous pourriez tomber de la poitrine. Soyez prudent ! il faut me le promettre. — Je vous le jure ! »

Il me donna mon billet de sortie, et, arrivé à