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LES CAHIERS

revint au galop près du prince Murât, lui prend la main, disant : « Le pont est fini, mon prince. J’ai besoin de vous pour me soutenir. — Je pars de suite, dit-il, avec ma division de dragons. »

Les voilà partis au galop. Le temps était si horrible que le pont était inondé, on ne le voyait plus. Nous étions près de cette rivière, dans un pré ; l’eau nous gagna, elle nous monta jusqu’aux genoux. Il fallait voir la garde barboter comme des canards ; tout le monde de rire et de se promener dans l’eau. J’avais la marmite sur mon sac ; elle n’était pas renversée, elle se remplissait d’eau, je la versais dans les jambes de mes camarades ; nos canons de fusils se remplissaient aussi. Nous ne pouvions pas changer de position, tout le corps du maréchal attendant que l’eau diminue pour passer ; les soldats étaient dans la boue, c’est encore nous qui étions les mieux placés. Voilà l’eau qui diminue, on voit les planches du pont, les troupes s’arrachent de la boue et se lavent les jambes en passant sur le pont. Nos canards sortent du pré à leur tour, et les colonnes arrivent au pied de cette montagne monstrueuse, défendue par des forces considérables, mais rien ne put résister au maréchal Ney. Arrivé au village d’Elchingen, il le fait attaquer, les maisons l’une après l’autre, avec les enclos entourés de murs qu’il fallait escalader. Ce village extraordinaire fut pris