Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/210

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peuple en joie de voir un si beau corps[1]. Nous passâmes sans nous arrêter ; nous arrivâmes près des ponts, à une petite distance des faubourgs, dans des endroits boisés où ils se trouvent un peu masqués. Le grand pont en bois est superbe ; nous nous disions : « Mais comment se fait-il que les Autrichiens nous aient laissés passer sur un aussi beau pont sans le faire sauter ? » Nos chefs nous dirent que c’était un tour de finesse du prince Murât, du maréchal Lannes et des officiers du génie.

Nous allâmes coucher dans des villages tout dévastés, par un temps terrible de neige. L’Empereur prit le devant, il se porta aux avant-postes pour visiter ses corps d’armée, et de là il se remit en route pour Brunn, en Moravie, où il établit son quartier général. Nous ne pouvions pas le rattraper ; cette marche était des plus pénibles ; nous avions quarante lieues à faire pour le rejoindre. Nous arrivâmes le troisième jour abîmés de fatigue. Cette ville est belle ; nous eûmes le temps de nous reposer. Nous étions près d’Austerlitz ; l’Empereur allait faire des courses tous les jours sur la ligne et revenait content. Nous le voyions joyeux ; les prises de tabac faisaient leur jeu (c’était la preuve de sa joie) et, ses mains derrière son dos, il parlait à tout son monde. On donne l’ordre de nous por-

  1. L’enthousiasme des Viennois paraîtrait invraisemblable sans la sincérité habituelle de l’auteur.