Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
LES CAHIERS

cuisiniers bien poudrés, en tabliers blancs pour servir ; on peut dire que rien n’y manquait.

Nous plaçâmes nos convives à table, entre nous, et le dîner fut bien servi. Voilà la gaîté qui se fait parmi tout le monde !… Ces hommes affamés ne purent se contenir ; ils ne connaissaient pas la réserve que l’on doit observer à table. On leur servit à boire de l’eau-de-vie ; c’était la boisson du repas, et, avant de la leur présenter, il fallait en boire, et leur présenter le gobelet en fer-blanc qui contenait un quart de litre, son contenu disparaissait aussitôt ; ils avalaient les morceaux de viande gros comme un œuf à chaque bouchée. Ils se trouvèrent bientôt gênés ; nous leur fîmes signe de se déboutonner, en en faisant autant. Les voilà qui se mettent à leur aise ; ils étaient serrés dans leur uniforme par des chiffons pour se faire une poitrine large ; c’était dégoûtant à voir tomber ces chiffons.

Il nous arrive deux aides de camp, un de notre Empereur et un de l’empereur de Russie pour nous prévenir de ne pas bouger, que nous allions recevoir leur visite. Les voilà qui arrivent ; du signe de la main notre Empereur dit que personne ne bouge ; ils firent le tour de la table, et l’empereur de Russie nous dit : « Grenadiers, c’est digne de vous, ce que vous avez fait. »

Après leur départ, nos Russes qui étaient à