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LES CAHIERS

on ne peut mieux. À tous les commandements de l’Empereur, je me retournais pour répéter ; et, sitôt fini, je me retournais face à l’Empereur pour recevoir son commandement. Tous les regards des étrangers se portèrent du balcon sur moi ; ils voyaient un sous-officier avec son fusil recevoir le commandement et faire demi-tour de suite pour le répéter de manière que son corps était toujours en mouvement. Tous les chefs de corps répétaient mot pour mot, et après avoir fait passer leurs hommes sous l’Arc-de-Triomphe, les mettaient en bataille devant l’Empereur. Il passait au galop devant le régiment et revenait à sa place pour le faire manœuvrer et le faire défiler.

Cette manœuvre d’infanterie dura deux heures, la garde ferma la marche. Puis, je fus renvoyé par l’Empereur, et remplacé par un général de cavalerie. Il était temps : j’étais en nage. Je fus félicité de ma forte voix par mes chefs ; le sergent-major, me prenant par le bras, me mena au café dans le jardin pour me faire rafraîchir : « Comme je suis content de vous, mon cher Coignet ! » Le capitaine tapait des mains, disant : » C’est moi qui l’ai forcé d’être caporal ; c’est mon ouvrage. Comme il commande bien ! — Je vous remercie, lui dis-je, mais on est bien petit près de son souverain ; je l’écoutais, je ne levais pas les yeux sur lui ; il m’aurait intimidé ; je ne voyais que son cheval. »