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major était établi au Kremlin, et le petit état-major, dont je faisais partie, était près des remparts, à peu de distance du Kremlin. Je fus employé comme adjoint, avec deux camarades, auprès d’un colonel d’état-major pour l’évacuation des hôpitaux. Nous étions logés chez une princesse, tous les quatre avec nos chevaux et nos domestiques ; le colonel en avait trois pour lui seul, et il savait les employer. Il nous envoyait dans les hôpitaux pour faire évacuer les malades, mais lui jamais. Il restait pour faire ses affaires ; il partait le soir avec ses trois domestiques munis de bougies ; il savait que les tableaux des églises sont en relief sur une plaque d’argent ; il les faisait décrocher pour en prendre la feuille en argent, mettait tous les saints et saintes dans le creuset, et on faisait des lingots ; il vendait ses vols aux juifs pour des billets de banque. C’était un homme dur, à figure ingrate.

Nous avions des milliers de bouteilles de bordeaux, des vins de Champagne, des milliers de sucre et de cassonade. Tous les soirs, la vieille princesse nous faisait porter quatre bouteilles de bon vin et du sucre (ses caves étaient pleines de tonneaux) ; elle venait souvent nous visiter ; aussi sa maison fut respectée ; elle parlait bon français. Un soir, le colonel nous fit voir ses emplettes ou des vols, car il était toujours en route avec ses trois domestiques ; il nous fit