Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/436

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me tourne de leur côté et leur fais un grand salut en voyant mon chemin libre. Je disais à mon beau cheval de bataille : « Doucement, Coco ! » (C’était le nom de ce bel animal.) J’avais de l’avance, lorsque l’un d’eux se chargea de me poursuivre ; les deux autres attendirent. Il gagnait du terrain et ça l’encourageait. Lorsque je le vis à moitié chemin de la montagne et de l’état-major de l’Empereur (qui regardait mes mouvements, et me voyant serré de près, envoya deux grenadiers à cheval à mon secours), je flattai mon cheval pour qu’il ne s’emportât pas. Je regarde en arrière, et je vois que j’ai le temps nécessaire pour faire mon à-gauche et fondre sur lui à mon tour. Il me crie : « Je te tiens. — Et moi aussi, je te tiens. » Appuyant à gauche, je fonds sur lui ; me voyant faire ce brusque demi-tour, il fléchit, mais il n’était plus temps : le vin était versé, il fallait le boire. Il n’était pas encore sur son retrait au galop que j’étais à son côté, lui enfonçant un coup de pointe. Il tomba raide mort, la tête en bas. Lâchant mon sabre pendu au poignet, je saisis son cheval et m’en revins fier près de l’Empereur : « Eh bien ! grognard, je te croyais pris. Qui t’a montré à faire un pareil tour ? — C’est un de vos gendarmes d’élite à la campagne de Russie. — Tu t’y es bien pris, tu es bien monté. L’as-tu vu, cet officier ? Il m’a paru blond ; c’est toujours un lâche, il devait engager le combat et s’est laissé tuer