Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/510

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premier Consul ; je vais la garder et t’attendre. »

Une minute après, mon camarade arrive au poste. L’officier, surpris de le voir, demanda brusquement ce qui était arrivé. « Parbleu ! répondit-il avec son air goguenard, j’en ai assez de monter la garde, j’ai mis quelqu’un en faction à ma place. — Qui donc ? s’écria l’officier. — Bah !… le petit caporal. — Ah çà ! pas de mauvaise plaisanterie ! — Je ne plaisante pas ; il faut bien qu’il monte la garde à son tour… D’ailleurs, venez-y voir, il vous demande, et je suis ici pour vous chercher. »

L’officier passa de l’étonnement à la terreur, car Bonaparte ne mandait guère les officiers près de lui que pour leur donner une culotte. Le nôtre sortit l’oreille basse et suivit son nouveau guide. Ils trouvèrent le premier Consul se promenant dans le vestibule, à côté du fusil. « Monsieur, dit-il à l’officier, ce soldat a t-il une bonne conduite ? — Oui, général. — Eh bien ! je le nomme tambour-major dans le régiment de mon cousin ; je lui ferai trois francs par jour sur ma cassette, et le régiment lui en fera autant. Ordonnez qu’on le relève de faction, et qu’il parte dès demain. »

Ainsi dit, ainsi fait. Mon camarade prit aussitôt possession de ses fonctions nouvelles, et, quand il vint nous voir à Ambleteuse, il avait un uniforme prodigieux, tout couvert de galons,