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enforme la terre entre deux ais : cette terre, ainsi pressée, résiste à la pluie, aux vents et au feu ; il n’y a ciment ni mortier qui soit plus dur que cette terre ; ce qui est si vrai, que les guettes et lanternes qu’Annibal fit construire en Espagne, et les tours qu’il fit bâtir sur les cimes des montagnes, sont encore existantes ; néantmoins elles sont de pisé.[1]

M. Goiffon prétend que les Romains faisoient usage du pisé ; on ne sera point fâché si je rapporte ici les remarques de cet académicien : On conçoit aisément pourquoi une coutume qui n’a pas pour principe une utilité réelle, peut être circonscrite dans une province ; mais on ne rend pas si facilement raison de cette localité, si nous pouvons nous exprimer ainsi, quand elle tend au bien général, soit relativement à l’économie sur les matières premières, soit à la diminution et à la promptitude du travail. L’art du maçon piseur, que nous publions[2], renferme ces avantages. Cet art de construire en pisé se transmet de génération en génération dans le Lyonnois, par une succession non interrompue, à remonter jusqu’aux anciens Romains, qui l’habitèrent, et vraisemblablement l’y apportèrent, ainsi que la culture de la vigne et nombre d’autres arts, dans la pratique desquels on retrouve encore et leurs termes et leur génie.

M. l’abbé Rozier[3] a découvert qu’on employe le pisé en Catalogne. L’Espagne, comme la France, a donc une seule province où l’on ait conservé cet antique genre de bâtir : sans doute qu’il ne s’est pas plus répandu dans ce royaume que dans ce pays ; à peine chez nous

  1. Même Histoire, tome 2, livre 35, chap. 14.
  2. Ce citoyen zélé, en 1772, avoit fait un petit ouvrage dont l’édition est épuisée ; si M. Goiffon eût pratiqué le pisé, son traité auroit été complet, et seroit cause que cet art se seroit répandu, ce qui auroit épargné les plus grandes pertes aux habitans des villages qui bâtissent tout en bois.
  3. Journal de Physique de cet auteur.