Page:Coleridge - La Chanson du vieux marin, trad. Barbier, 1877.djvu/12

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And now the storm-blast came, and he
Was tyrannous and strong:
He struck with his o’ertaking wings,
And chased us south along.
— Bientôt il s’éleva une tempête violente, irrésistible. Elle nous battit à l’improviste de ses ailes et nous chassa vers le pôle sud.

With sloping masts and dipping prow,
As who pursued with yell and blow
Still treads the shadow of his foe,
And forward bends his head,
The ship drove fast, loud roared the blast,
And southward aye we fled.
Sous elle, le navire, avec ses mâts courbés et sa proue plongeante, était comme un malheureux qu’on poursuit de cris et de coups, et qui, foulant dans sa course l’ombre de son ennemi, penche en avant la tête : ainsi nous fuyions sous le mugissement de la tempête et nous courions vers le sud.

And now there came both mist and snow,
And it grew wondrous cold:
And ice, mast-high, came floating by,
As green as emerald.
Alors arrivèrent ensemble brouillard et tourbillons de neige, et il fit un froid extrême. Alors des blocs de glace hauts comme les mâts et verts comme des émeraudes flottèrent autour de nous.

And through the drifts the snowy clifts
Did send a dismal sheen:
Nor shapes of men nor beasts we ken—
The ice was all between.
Et à travers ces masses flottantes des rocs neigeux nous envoyaient d’affreuses lueurs : on ne voyait ni figures d’hommes, ni formes de bêtes. — La glace, partout la glace.

The ice was here, the ice was there,
The ice was all around:
It cracked and growled, and roared and howled,
Like noises in a swound!
La glace était ici, la glace était là, la glace était tout alentour. Cela craquait, grondait, mugissait et hurlait, comme les bruits que l’on entend dans une défaillance.

At length did cross an Albatross,
Thorough the fog it came;
As if it had been a Christian soul,
We hailed it in God’s name.
Enfin passa un albatros : il vint à travers le brouillard ; et, comme s’il eût été une âme chrétienne, nous le saluâmes au nom de Dieu.

It ate the food it ne’er had eat,
And round and round it flew.
The ice did split with a thunder-fit;
The helmsman steered us through!
Nous lui donnâmes une nourriture comme il n’en eut jamais. Il vola, rôda autour de nous. Aussitôt la glace se fendit avec un bruit de tonnerre, et le timonier nous guida à travers les blocs.

And a good south wind sprung up behind;
The Albatross did follow,
And every day, for food or play,
Came to the mariner’s hollo!
Et un bon vent de sud souffla par-derrière le navire. L’albatros le suivit, et chaque jour, soit pour manger, soit pour jouer, il venait à l’appel du marin.

In mist or cloud, on mast or shroud,
It perched for vespers nine;
Whiles all the night, through fog-smoke white,
Glimmered the white Moon-shine.
Durant neuf soirées, au sein du brouillard ou des nuées, il se percha sur les mâts ou sur les haubans, et, durant toute la nuit, un blanc clair de lune luisait à travers la vapeur blanche du brouillard.

God save thee, ancient Mariner!
From the fiends, that plague thee thus!—
Why look’st thou so?'—With my cross-bow
I shot the albatross.
« Que Dieu te sauve, vieux marin, des démons qui te tourmentent ainsi ! Pourquoi me regardes-tu si étrangement ? — C’est qu’avec mon arbalète, je tuai l’albatros. »


DEUXIÈME PARTIE


The Sun now rose upon the right:,
Out of the Sea came he,
Still hid in mist, and on the left
Went down into the Sea.
Maintenant, le soleil se leva à droite, sortit de la mer tout enveloppé de brume, et vint se coucher à gauche, dans les flots.

And the good south wind still blew behind,
But no sweet bird did follow,
Nor any day for food or play
Came to the mariner’s hollo!
Le bon vent de sud continua de souffler derrière nous ; mais plus de doux oiseau qui nous suivît et qui vînt, soit pour jouer, soit pour manger, à l’appel du marin.

And I had done a hellish thing,
And it would work 'em woe:
For all averred, I had killed the bird
That made the breeze to blow.
Ah wretch! said they, the bird to slay,
That made the breeze to blow!
J’avais commis une action infernale, et cela devait nous porter malheur. Tout le monde assurait que j’avais tué l’oiseau qui faisait souffler la brise ! « Ah ! le misérable ! disait-on, devait-il tuer l’oiseau qui faisait souffler la brise ? »

Nor dim nor red, like God’s own head,
The glorious Sun uprist:
Then all averred, I had killed the bird
That brought the fog and mist.
Twas right, said they, such birds to slay,
That bring the fog and mist.
Ni sombre ni rouge, mais comme le front même de Dieu, le glorieux soleil reparut à l’horizon. Alors tout le monde assura que j’avais tué l’oiseau qui amenait le brouillard et la brume. « C’est bien, disait-on, de tuer tous ces oiseaux qui amènent le brouillard et la brume. »

The fair breeze blew, the white foam flew,
The furrow followed free;
We were the first that ever burst
Into that silent sea.
Le bon vent soufflait, la blanche écume volait, et le navire libre formait un long sillage derrière lui. Nous étions les premiers qui eussent navigué dans cette mer silencieuse.

Down dropt the breeze, the sails dropt down,
Twas sad as sad could be;
And we did speak only to break
The silence of the sea!
Soudain la brise tomba, les voiles tombèrent avec elle. Alors notre état fut aussi triste que possible. Nos paroles seules rompaient le silence de la mer.