Page:Coleridge - La Chanson du vieux marin, trad. Barbier, 1877.djvu/16

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And soon I heard a roaring wind:
It did not come anear;
But with its sound it shook the sails,
That were so thin and sere.
Et aussitôt j’entendis un grand vent. Il ne vint pas jusqu’à moi, mais avec son bruit il agitait nos voiles, si usées et si fanées.

The upper air burst into life!
And a hundred fire-flags sheen,
To and fro they were hurried about!
And to and fro, and in and out,
The wan stars danced between.
L’air supérieur déborda de vie, et mille flammes y brillèrent ; elles couraient çà et là, et çà et là, alentour et dans les intervalles, les pâles étoiles dansaient.

And the coming wind did roar more loud,
And the sails did sigh like sedge,
And the rain poured down from one black cloud;
The Moon was at its edge.
Et le vent qui venait mugit de plus en plus, et les voiles soupirèrent comme les joncs des marais, et la pluie tomba d’un noir nuage à l’extrémité duquel luisait la lune.

The thick black cloud was cleft, and still
The Moon was at its side:
Like waters shot from some high crag,
The lightning fell with never a jag,
A river steep and wide.
L’épais nuage noir s’ouvrit, ayant toujours la lune à son côté. Comme l’eau jaillissant d’un haut rocher, la lumière des éclairs tomba de son ouverture en rivière de feu large et profonde.

The loud wind never reached the ship,
Yet now the ship moved on!
Beneath the lightning and the Moon
The dead men gave a groan.
Le vent ne toucha pas le vaisseau, et cependant le vaisseau marcha sur l’onde ! Aux feux des éclairs et aux clartés de la lune mêlés ensemble, les morts poussèrent un soupir.

They groaned, they stirred, they all uprose,
Nor spake, nor moved their eyes;
It had been strange, even in a dream,
To have seen those dead men rise.
Ils gémirent, ils s’agitèrent ; puis ils se levèrent, mais sans parler et sans remuer les yeux. C’eût été bien étrange, même en rêve de voir ces morts se lever !

The helmsman steered, the ship moved on;
Yet never a breeze up-blew;
The mariners all 'gan work the ropes,
Where they were wont to do;
They raised their limbs like lifeless tools—
We were a ghastly crew.
Le pilote se mit au gouvernail et le navire marcha, sans cependant qu’aucune brise soufflât. Les marins allèrent travailler aux cordages là où ils avaient coutume de le faire. Ils levaient leurs membres comme des machines sans vie. — Nous formions un effrayant équipage.

The body of my brother’s son Stood by me, knee to knee:
The body and I pulled at one rope,
But he said nought to me.
Le corps du fils de mon frère était près de moi ; genou à genou, lui et moi nous tirions le même cordage, et cependant il ne me dit rien.

'I fear thee, ancient Mariner!'
Be calm, thou Wedding-Guest!
'Twas not those souls that fled in pain,
Which to their corses came again,
But a troop of spirits blest:
« J’ai peur de toi, vieux marin ! — Sois tranquille, garçon de noce : ce n’étaient pas les âmes échappées dans l’angoisse qui animaient de nouveau ces cadavres, mais une troupe d’esprits célestes. »

For when it dawned, they dropped their arms,
And clustered round the mast;
Sweet sounds rose slowly through their mouths,
And from their bodies passed.
Car aussitôt que l’aurore apparut, ils laissèrent tomber leurs bras et se réunirent autour du grand mât, et alors de doux bruits s’échappèrent de leurs corps et sortirent lentement de leurs bouches.

Around, around, flew each sweet sound,
Then darted to the Sun;
Slowly the sounds came back again,
Now mixed, now one by one.
Autour d’eux, chaque doux son flotta quelque temps, puis il monta vers le soleil ; puis du soleil redescendirent lentement de pareils sons, tantôt seuls, tantôt mêlés.

Sometimes a-dropping from the sky
I heard the sky-lark sing;
Sometimes all little birds that are,
How they seemed to fill the sea and air
With their sweet jargoning!
Parfois j’entendais tomber du ciel comme un chant d’alouette ; parfois une foule de petits oiseaux semblaient remplir la mer et l’air de leurs doux gazouillements.

And now 'twas like all instruments,
Now like a lonely flute;
And now it is an angel’s song,
That makes the heavens be mute.
Ou bien c’était comme un concert de tous les instruments connus, ou le bruit d’une flûte solitaire, ou enfin comme le chant d’un ange qui rend muet et attentif à sa voix le ciel entier.

It ceased; yet still the sails made on
A pleasant noise till noon,
A noise like of a hidden brook
In the leafy month of June,
That to the sleeping woods all night
Singeth a quiet tune.
La musique cessa. Cependant les voiles continuèrent à résonner d’une façon agréable jusque vers le milieu du jour. C’était un murmure semblable à celui que produit dans les chaleurs du mois de juin et à travers le silence de la nuit et des bois, le cours d’un ruisseau caché.

Till noon we quietly sailed on,
Yet never a breeze did breathe:
Slowly and smoothly went the ship,
Moved onward from beneath.
Jusqu’au milieu du jour, nous fîmes voile paisiblement, quoique aucune brise ne soufflât. Lentement, doucement voguait le navire, poussé seulement par-dessous la quille.

Under the keel nine fathom deep,
From the land of mist and snow,
The spirit slid: and it was he
That made the ship to go.
The sails at noon left off their tune,
And the ship stood still also.

Sous les flots, à neuf brasses profondes, glissait l’esprit qui nous avait suivis depuis la région de brouillard et de neige. C’était lui qui faisait aller le vaisseau. À midi, les voiles ne rendirent plus de son, et le vaisseau demeura tranquille comme avant.